12 mai
Le couloir se vida – il n’était pas vraiment plein, mais la présence d’un tiers serait déjà trop. Le bruit se réduisit à des murmures lointains et plus rien. La lumière se fit plus faible comme si les nuages étaient en harmonie avec nous.
Distincte du cadre, la forme de son visage me remplissait – j’étais aveugle, ne fusse par cette vision. Cela – je ne pourrais la définir comme femme (ou peut-être que c’est cela une femme) – dormait tranquille sur mes jambes; blasphème ! Mais le péché m’avait été pardonné.
Dénudé d’autres pensées – en vérité, j’étais dénudé de tout ce qui n’était pas ça, les pensées n’avaient pas de force pour s’affirmer en moi, quels qu’elles fussent. Les heures passèrent merveilleusement, semblant seulement des minutes (peu). On pourrait être restés là pendant des jours, des semaines entières et cela ne serait jamais assez.
Elle se réveilla et j’ai failli ne pas supporter son regard – son unique et simple présence était déjà tout pour moi, plus de ce que je pourrais avoir espéré ou mérité. Elle me toucha; ses doigts étaient la preuve de l’existence et le contact avec un monde qui m’étais jusqu’alors inconnu et niait l’existence : un tel être ne pouvait être que l’œuvre de la création divine. Son toucher suave glissant sur moi, sur mon visage livide, surpris et esthésié m’emmena où je n’avais jamais été auparavant, où je ne suis pas allé à nouveau – jusqu’à aujourd’hui, plus de deux ans pus tard – et où je crois ne plus être capable d’y revenir un jour.
Il se fit encore plus sombre; il était tard et nous devions nous séparer.