Mots d’un poète raté ou Lettre à une montrougienne
Avant tout je te demande pardon.
D’abord j’ai essayé d’écrire une « belle absente »,
Mais je suis un mauvais poète et mon imagination assez incompétente.
Pour écrire ce maudit poème auquel je peine,
Il fallait plus que de rimes, des vers et des mots;
Il fallait des armes, des larmes et des maux.
Pour l’arme je fus rapide et pris la plume au lieu de dague, arc ou couteau.
Malgré tout, je me sentais désarmé :
Mon imagination est toujours loin d’être bonne ou encore celle du grand Mallarmé.
Mes larmes, qui ensorcellent le plus grand des mal-larmés,
N’aident guère dans ma lettre à ma belle absente et,
Dans mes tentatives de poèmes, coulent à flots et se noient dans l’absinthe.
Mes mots sont mal choisis et ne sont pas d’amour,
Mes maux sont d’amour et se perdent en moi comme dans un labyrinthe,
Comme moi dans toi - mon absente –
Me rendent absent, noyé dans l’absinthe, fuyant cet émoi.
Les mots viennent enfin à moi – pour toi –
Et ramènent tous ces maux de Vienne au loin.
Enfin, ma belle absente vint,
L’absinthe se vida et mon sourire revint.
La bouteille de vin – un Apremont rouge – sur la table remplissait mon regard vide.
La forme de ma belle s’esquissait exquise sur la surface rouge de mes réflexions; moi, rêvant et revenant à moi, criai à l’apparition: « te voici, ma belle comtesse » (ou marquise?) ! Elle me souriait en retour, sa bouche de dents blanches ouverte. Je m’approchai – elle fit de même. J’approchai plus un peu et pouvais me voir dans ses yeux. Je touchai sa bouche, ses lèvres aux bords fins et humides, sa langue rouge et chaude. Je savourais le toucher et le mouvement de ses lèvres roses; caressais de ma main tremblante son corps blanc, sa peau presque transparente. Je fermai mes yeux pour mieux entendre ce bruit si particulier; retins mon souffle comme si je ne pouvais le faire que d’un coup;
J’ai vécu ces secondes comme des heures, une vie; je profitais de cela comme si c’était la dernière action de ma vie – quand j’ai ouvert les yeux, le verre était vide.